Burundi : vers une nouvelle guerre civile ?

Depuis l’investiture de Pierre Nkurunziza, ce que les observateurs les plus alarmistes avaient prédit semble se produire : les citoyens et l’opposition politique poursuivent la contestation tandis que le gouvernement multiplie les arrestations et les pratiques d’intimidation, entretenant par là-même le cycle de violences.

Sans surprise, le Président burundais Nkurunziza a été réélu suite à l’élection présidentielle du 21 juillet dernier. Pour autant, les citoyens et l’opposition politique contestent toujours ce qui leur semble être un coup de force illégitime. La situation sécuritaire reste précaire, comme en témoignent les récents assassinats, arrestations, et pressions en tout genre.

Le 18 septembre, le procureur général de la République a annoncé l’émission de mandats d’arrêt internationaux à l’encontre d’opposants au troisième mandat présidentiel. Valentin Bagorikunda justifia cet acte par le rôle joué par certains partis politiques et médias dans l’organisation du mouvement insurrectionnel qui faillit déstabiliser le gouvernement. Ces acteurs seraient, dans cette perspective, complices de la tentative de coup d’État du 13 mai. Pour le moment, seuls deux mandats d’arrêt internationaux ont été émis, « les autres {étant} en cours de l’être[1] ».

Peu avant, des arrestations massives ont eu lieu. Plusieurs incidents ont ainsi été observés à Gitega, dans le centre du Burundi, ainsi que dans la province de Makamba, au sud du pays. A Gitega, la seconde ville du pays, plus de 150 hommes ont été arrêtés en deux jours. Des faits similaires ont été constatés dans la province mentionnée, plus de trente personnes ayant été retenues par les forces de police le 16 septembre[2]. Ces arrestations semblèrent constituer une réponse à l’assassinat de Joseph Bigirimana, le chef de zone de la ville de Kivago, tué par un groupe armé à son domicile quelques jours auparavant.

La violence éclate des deux côtés – le gouvernement et son appareil sécuritaire se retrouvent face à l’opposition politique et à la société civile. Une action menée contre le régime (tel le meurtre du général Adolphe Nshimirimana en août[3]), ou supposée l’être, incite à la répression. De même, les intimidations et actes de violence contre un membre de l’opposition (Patrice Gahungu, suivant Zedi Feruzi, a été tué par des hommes armés non identifiés le 7 septembre) favorisent le sentiment d’injustice et incitent aux représailles en tout genre. Chaque action menée par l’une des parties se répercute sur l’autre et contribue à ce que la situation soit de plus en plus explosive. Nous assistons ainsi à une véritable escalade de la violence au Burundi, entamée avec l’intention de Nkurunziza de prétendre à un troisième mandat.

L’on peut craindre que la situation ne se mue très vite en une guerre civile[4], tant que le Président reste au pouvoir – au moins pour le mandat actuel – et que les citoyens, la société civile et l’opposition politique ne désarment pas. Récemment, la coalition du nom de Cnared (Conseil national pour le respect de l’accord d’Arusha et la restauration d’un État de droit au Burundi) a appelé à l’ouverture de négociations à l’extérieur du pays. Pour le responsable de l’opposition, l’urgence est là : « Nkurunziza a déclaré la guerre à son peuple {…}. Et dans ces conditions, ces négociations doivent se faire dans la liberté de pensée et doivent se faire à l’extérieur[5] ». Les analystes les plus pessimistes estimeront qu’une autre tentative pour entamer un dialogue sera ineffective. Peut-être ont-ils raison. Ce qui est sûr, en revanche, est que le récent coup d’État au Burkina Faso ne doit certainement pas déplaire à Nkurunziza ; puisque l’attention des observateurs et des médias se porte – pour le moment –  sur le pays, il peut s’attendre à moins de pressions de la part de la communauté internationale pour ouvrir le dialogue avec les parties prenantes concernées et ainsi, quand le besoin se fait ressentir, s’adonner à la répression des mouvements contestataires.

[1] AllAfrica, Burundi: Des mandats d’arrêt internationaux émis contre des opposants, 18/09/2015. 

[2] Bujumbura News, Série d’arrestations massives dans le centre et le sud du Burundi, 17/09/2015.

[3] The Washington Post, Burundi’s opposition party spokesman killed in capital, 8/09/2015.

[4] Mediapart, Le spectre d’une nouvelle guerre civile au Burundi, 18/09/2015.

[5] RFI, Burundi: l’opposition souhaite l’organisation d’un dialogue hors du pays, 16/09/2015.

Déborah Guidez


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